…Sur l’attentat de Québec

…Sur l’attentat de Québec

Je suis pour la diversité de la presse en général.

Je suis pour que le tragique puisse côtoyer le comique, parce que nous travaillons et que nous avons besoin d’une oasis à côté de la triste vérité qui secoue notre monde… cette vérité qui se cache derrière tout ce que nous consommons et tout ce qu’il a fallu expérimenter pour que nous arrivions à trouver un sens à tout ça.
Ce matin ce qui me dérange, et c’est personnel, c’est que la nouvelle qui apparaît deuxième sur le fil de presse à côté d’un article sur l’attentat de Québec porte sur la situation financière… de Johnny Depp. On m’y apprend qu’il est quasi ruiné. Câlisse d’ostie de tabarnak. C’est mon émotion à froid, je m’en excuse. Je respecte l’acteur, certain des rôles qu’il a joués, qui ont peut-être changé quelque chose pour vous. Mais franchement, parfois, il faut se taire, réfléchir. L’acte le plus courageux que pourraient commettre parfois nos journaux et médias dans ces temps-là, c’est censurer l’inutile et prendre acte de la ruine, de la dépendance de notre pensée à l’insipide. Aujourd’hui, je vous en prie, résistez à la tentation (je sais que vous voudrez vous reposer en revenant du boulot) d’écouter les Kardashian ou d’aller voir un truc du genre xxx avec Vin Diesel.

Donner de l’argent à ceux qui vous prennent pour des cons en instrumentalisant vos frustrations et en vous engrossant de méfiance pour une cible choisie trop souvent à dessein de propagande, d’explosion, de coup de poing et d’armes survitaminées pour cautionner la perte de sens qui secoue nos sociétés est un choix douteux selon moi par les temps qui courent. Pire que ça, ce serait d’allumer des feux de bengale pendant une explosion nucléaire. Je ne m’avancerai pas sur qui ou quoi a du sang sur les mains, sur qui la faute doit être portée pour l’attentat de Québec. Pour ma part, sur un point personnel, je me rappelle avoir cherché la meilleure chose à dire à une jeune femme en deuil du suicide de son frère. Vous savez ce genre de chose qu’on s’oblige à dire par respect des conventions aux endeuillés lors des veillées funéraires. Parfois, il vaut mieux ne rien dire… mais confus et mal à l’aise, j’ai quand même dit quelque chose à cette personne. J’ai promis de prendre beaucoup de temps avec mes enfants. Je ne sais pas ce que ça a changé pour cette personne, mais pour moi, ça recadrait le drame.

Aujourd’hui ou demain, visitez une mosquée, ouvrez une discussion avec un immigrant, passez prendre le pouls d’un organisme communautaire qui s’occupe de justice sociale ou donnez simplement du temps à un proche. Faites acte d’humanité. Pourquoi ce serait si dur alors qu’on ne rechigne presque jamais à donner du temps et de l’argent à un blockbuster ou à une entité du genre qui a eu dans la vie des chances plus que quiconque et qui finit par se ruiner de toutes façons ? En investissant un peu de notre temps ailleurs, peut-être découvrirons-nous ce qui finit par nous faire mal ici et maintenant ?

Nous avons tous une responsabilité.
Le langage dont nous usons construit le monde que nous avons.

Ground Control to David and Leonard

Ground Control to David and Leonard

Ground Control to David and Leonard

Pour me réveiller plus rapidement le matin, je sélectionne une radio commerciale (Rythme fm, Énergie et autres) et son flot d’inepties (pub, commentaires légers, musique neutre) pour m’obliger à peser un peu plus rapidement sur le bouton et ainsi vaquer plus rapidement à mon quotidien. Ce matin, cependant, j’ai pu agréablement m’ouvrir un premier oeil et surtout les deux oreilles au son de Space Oddity de David Bowie. En temps normal, on a plutôt la moins grande chance, selon moi, d’entendre moult fois un succès playlisté avec insistance – et intérêt – pour créer la tendance.
Bien que le passage de la chanson de Bowie m’ait rendu plutôt enthousiaste pour la journée qui commençait, je savais bien qu’on ne pousserait pas l’audace au-delà du « sur-taggué » Space Oddity en pigeant ailleurs dans son répertoire.
C’est cela qui me dérange un peu. La plupart du temps, on s’approprie Bowie comme on s’approprie Che Guevara commercialement en s’achetant un t-shirt, sans croire en aucune révolution si petite soit-elle et en approfondissant si peu. C’est ce qui m’amène à penser que pour certains, Bowie est mort à la fin des années 70 avec quelques résurrections ça et là et non pas l’an passé. Enfin, ceux qui aiment vraiment cet artiste à travers qui d’autres artistes ont fait entendre leur discipline, à travers qui l’expérimentation de tout acabit était possible, je vous invite vivement à parcourir l’oeuvre. En mon sens, ce qu’il a fait avec Outside dans les années 90, Heathen en 2000 et Blackstar avant de mourir est tout aussi important que ce qui l’a vu naître artistiquement.
Merci à Bowie et au même titre à Léonard Cohen, cette année, d’être partis sans se trahir, en ne portant pas le fardeau de copier et recopier le succès de leurs débuts, de s’être réinventés, d’avoir délaissé des thèmes pour en embrasser de nouveau. Je les remercie aussi de nous avoir quittés avec ces oeuvres testamentaire à la hauteur du reste sans s’obliger à invoquer le ciel pour être sauvés et en restant eux-mêmes jusqu’à la fin – en regardant la mort en face et la réalité sans se mentir. « When I turned my back on the devil/Turned my back on the angel too » (tiré de On the Level – Leonard Cohen).

Un an après, un nouveau vidéo. Toujours intéressant.