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Boisson d’Avril

Groovy Aardvark porte un toast à la musique d’ici

par Luc Drapeau + encart

Le 12 avril prochain, la microbrasserie, boutique et salon Le trou du diable accueille Groovy Aaardvark pour souligner le cinquième anniversaire de la bien houblon-née Boisson d’avril. Nous en avons profité pour discuter avec Vincent Peake, chanteur et bassiste de la formation depuis 1986.

Boisson d’avril

Devenue bière après avoir été l’un des titres les plus connus du quatuor Longueillois sur l’album Vacuum paru vingt ans plus tôt, cette lager collaborative, comme on se plait à la nommer, exprime admirablement bien le cheminement des arômes qui l’ont constituée autant que les styles et mélanges musicaux que le groupe a su distiller sur 33 ans d’existence. Le brassage des énergies traditionnel du duo Lambert/Bordeleau de la Bottine souriante couplé à ces racines punk hardcore métal satinées de prog de Groovy Aardvark a su créer une véritable alchimie qui perdure dans le temps : «Martin Dupuis, mon guitariste, l’a tellement bien arrangée qu’elle a eu un succès automatique. Ça aurait été une erreur de ne pas la mettre sur l’album», déclare Vincent, alléguant tout le chemin parcouru par cette chanson et les échos qu’elle reçoit encore.

Retrouver son joual

Pesante autant qu’imposante dans son propos et dans sa rythmique, la musique de Groovy Aardvark a toujours su être techniquement habile, subtile et étoffée dans l’exécution de ses mélodies. Construisant son style à partir d’influences qui, pour la plupart, ne trouvaient pas de comparables dans la francophonie du milieu des années 80, le mammifère musical a su se réinventer en moulant ses empreintes sur sa réalité et en lui donnant les couleurs de sa langue : un joual dynamique inspiré de Charlebois.

Des nouvelles et des échos en provenance d’ailleurs

« Faut pas se décourager de chanter dans sa langue maternelle, alors qu’on pourrait être tenté de faire le contraire pour rejoindre le marché dominant. Faut pas empêcher notre unicité de rayonner à l’international. Trois français dans trois villes différentes avaient des fanzines consacrés uniquement à la musique québécoise. Les Français étaient flabbergastés par le talent qu’on trouve au Québec. Ça prend malheureusement quelqu’un d’ailleurs pour nous le dire », affirme convaincu Vincent Peake de retour au Québec après une tournée de 18 dates en Europe (France, Belgique, Allemagne) avec le groupe Grimskunk. « Les Allemands, eux, ce qu’ils aimaient le plus, c’étaient les chansons en français. Et moi, de mon coté, je suis revenu avec plein de vinyles de groupes allemands. J’vais toujours me rappeler de mon voyage. J’aime la langue, la culture et comment ça sonne. Quand on veut comprendre, la moindre des choses à faire c’est de faire des recherches. Sortir de ses habitudes »

« Un équilibre comparable à un yéti sur un unicycle »

Cette phrase savoureuse trouvée sur le site du micro-brasseur pour décrire la bière Boisson d’avril est tout aussi efficace pour expliquer le parcours de Groovy Aardvark. Si a l’instar du Yéti, le groupe a pris du temps a être reconnu, il n’en demeure pas moins que ce géant qui nous représente ici et ailleurs, doit continuer de pédaler fort sur des infrastructures culturelles insuffisante pour assurer sa survie, et ce, malgré de nombreux succès. « Le pourcentage de bon band par rapport à la population qu’on a ici est incroyable. On accote n’importe qui. Il va toujours il y avoir du talent, mais ça prendrait du public pour encourager, acheter des disques et aller voir des concerts locaux. C’est vital », revendique le musicien qui ne tarit pas d’éloges pour cette scène qui l’a vu naître et qu’il continue de soutenir indéfectiblement. « Grimskunk et Groovy, on s’en sort bien parce qu’on est établis, mais je joue dans d’autres bands (Floating Widget, Sabbath Café, Voïvod, Xavier Caféïne, Galaxie, Aut’chose, avec Lucien Francoeur, etc.) que pas grand monde ne connaît et on rencontre des publics de 10-12 personnes» conclut  malheureusement le bassiste.

Constellation

Nous ne pouvons qu’être fiers de la résilience affichée par ces grands frères qui veillent au-delà de la survie de leur formation à rendre pérenne la constellation qu’ils ont aidée à bâtir. Un retour de son est nécessaire de notre part pour que toute cette expérience acquise ne demeure pas vaine et témoigne de notre capacité à nous montrer sous notre meilleur jour. Un souhait qui se trouvait peut-être déjà dans la transcendante Amphibien sur l’album Oryctérope (1998).

« À nous les profondeurs/Les répits et les jours meilleurs/Et j’entends ce que tu penses/Dans ce silence/L’indifférence n’a plus de sens ».

Encart : Pour ajouter à ce concert anniversaire, l’étiquette Slam Disques annonce que le catalogue principal des oeuvres de Groovy Aardvark en version « remastérisée » sera disponible sur les plateformes numériques dès le 12 avril ainsi que l’album Vacuum dans une première édition vinyle. Un incontournable pour les admirateurs de la première heure. Groovy Aardvark est de retour.

Vincent Peake en vrac

Et si Groovy Aardvark sortait un nouvel album de chansons originales, à quoi pourrait-on s’attendre ?

Je ferais ça moins compliqué. J’irai plus dans la simplicité. Dans mes débuts, j’étais tellement impliqué dans le prog, le fusion Jazz, Mahavishnu Orchestra, Zappa… J’aime toujours aujourd’hui, mais j’ai appris à aimer la musique plus simple. Un bon beat punk, ça fait la job. Je garderais ça plus épuré. Une bonne ligne mélodique avec quelque chose d’intéressant à dire. On a tendance à trop en mettre surtout quand on est jeune. On avait trop d’idées à la seconde et on voulait toutes les intégrer. Tu peux faire ce que tu veux, mais ce n’est pas tout le monde qui est prêt à accepter une chanson qui a autant d’info musicale. C’est trop de stock.

Qu’est-ce qui a marqué ton évolution musicale dans les dernières années ?

J’avais besoin de me ressourcer dans autre chose que le rock et ses dérivés. Je voulais retourner à la source. D’où vient la musique ? J’ai suivi le cours « Panorama de la musique du monde » à l’UDM comme étudiant libre. En partant des trois grands bastions de l’humanité (Afrique, Chine, Inde), j’ai fait le tour de la planète en un an. Découvrir toutes les musiques traditionnelles a été le plus beau cadeau que je me suis fait. C’est de la musique qui a été recueillie par des musicologues des années 10, 20, 30, 40… Sur le terrain on a enregistré les tribus, leurs rites de passage, les mariages, les funérailles, les fêtes et les récoltes. Ces gens ont pris la peine de faire le tour du monde pour mettre tout ça à notre disposition. C’est fantastique. Notre prof, José Évangelista, nous transmettait sa passion comme j’ai rarement vu quelqu’un le faire. À chaque cours, il nous amenait dans un voyage incroyable. C’est, entre autres, ce qui m’a amené à faire un voyage à Bali avec ma copine pour perfectionner mon art du gamelan balinais. Je me suis même fait faire un gansa balinais sur mesure là-bas, un instrument extrêmement rare.

(pour plus de détail : https://voir.ca/video/cinq-objets/2015/10/26/5-objets-inspirants-avec-vincent-peake/ et/ou https://www.youtube.com/watch?v=DSgojkhPOe8)

À propos de la chanson Amphibien

Mise en contexte : lors d’un concert au Grand prix de Trois-Rivières l’an passé, en intro de cette chanson dont il qualifiait l’ambiance d’accoustico-aquatique, Vincent Peake racontait au public : « Un jour, en haut du pont Jacques Cartier, je regardais le puissant Saint-Laurent et son courant dangereux. Je me disais qu’il y en a qui ont un désespoir tel qu’ils se « câlissent » en bas. Moi, j’ai ben trop la chienne pour faire une affaire de même. Je ne serais même pas capable de crisser le radio dans le bain. Je ne suis pas assez malheureux. Ça m’a inspiré cette chanson pour qu’une seule personne sur cette terre puisse se donner la chance de vivre une autre journée. Parce que, quoi qu’il arrive le soleil se lève le lendemain. »

Dans quelle circonstance as-tu écrit cette chanson  ?

La genèse vient du Pacifique, de l’eau. J’étais au Mexique. L’idée est venue plus par nécessité de raconter quelque chose que par génie. La guitare que j’avais là-bas se désaccordait tellement facilement que j’ai tout accordé en la en open chord.  De là est nés le riff principal et celui de Mi Loca  qui ont la même tonalité sur l’album Oryctérope. De là, la toune prend un sens plus spirituel. Ma guitare accordée comme une cithare, la note de base qui drone (ou bourdon en français) constamment et la mélodie qui change et nous amène ailleurs. Pour ce qui est du refrain, je suis parti de 3 p’tits chats, une toune populaire quand j’étais au primaire. J’ai utilisé des mots plus sombres pour que ça ne fasse pas kétaine. La toune prend un sens beaucoup plus grave sur une ligne de musique d’enfant. Je trouvais que cette dichotomie parlait beaucoup.

La musique au Québec en ce moment, qu’est-ce que t’en penses ?

Moi, je l’aime tellement. J’ai beaucoup d’amis qui font de la musique que j’adore. De plus en plus même. Je trouve que le niveau de musicalité et de qualité des groupes est à son plus fort présentement. Ceux qui me font tripper en ce moment, c’est Lubik, un groupe d’Abitibi qui fait du kilométrage débile pour une demi-heure de spectacle. Y’a Fuudge aussi, mais mon band préféré à vie, c’est Les hôtesses d’Hilaire. Ce sont nos meilleurs amis, acadiens et Jedi préférés. Ils représentent tout ce que j’aime dans la musique. Le côté ludique, l’humour, le prog. C’est le band parfait pour t’embarquer dans un voyage et élever ton niveau de conscience d’un cran. Ce qui devrait être le but de toute bonne musique. J’ai adhéré instantanément.