Confession : “J’ai supprimé des amis… Facebook”.

Confession : “J’ai supprimé des amis… Facebook”.

Aux amis Facebook qu’il me reste.
Je m’en confesse, j’ai commis récemment des crimes au second niveau.

Il n’ y a pas si longtemps, par une journée merdique où j’avais l’esprit dans les talons, au 22ème sous-sol de mon amour de l’humanité, j’ai ouvert Facebook que je n’avais pas ouvert depuis des lustres. Après 6 images de chatons taquins, 5 pranks d’un clown cynique terrassant les passants par une nuit noire, 4 j’aime malhabiles pour signifier qu’on est au courant sans toutefois avoir lu, 3 désignations du mot qui vous qualifie le mieux, 2 posts qui font la promotion de Kim Kardashian pour les prochaines élections américaines et la pub d’une chanson d’amour qui parle encore d’une dépendance affective qui souligne au final le vide de nos vies, j’ai agi sur un coup de tête.
J’ai supprimé mes amis Facebook un à un, sans discrimination de best, bof ou neutre. J’avais le doigt sur la gâchette du delete et, sans regarder les noms, je les faisais disparaître les uns après les autres. Cela dit, il aurait été plus facile de supprimer le compte.
Je me suis arrêté un peu pour reprendre mes sens. J’ai repris le fil d’actualité et une nouvelle m’a décoiffé. Enfin une maille de bon sens dans un tissus de conneries, que je me suis dit. Puis une autre. Une autre. Dans le fil de l’actualité, de maille en maille, je me suis remis à tisser un fil d’Ariane qui me permettait de revenir à de meilleures dispositions.
J’ai arrêté le massacre. J’ai observé le panorama du charnier dans lequel reposaient toutes mes victimes récentes. La plupart d’entre elles, sinon la totalité, n’ont rien à voir avec mon désoeuvrement de ce matin-là. À part pour les haters de tout acabit, pour le n’importe quoi, pour ceux qui répondent anonymes sur des blogues, pour un flot incalculable d’insalubrité inconsidérée et jamais contre-vérifiée, je n’ai pas vraiment de haine.
Je me suis souvenu que, parmi ceux que j’avais supprimés, je devais à certains de m’avoir rappelé que j’avais oublié tel événement ou telle personnalité ou tel écrivain inspirant… ou que je leur devais de m’avoir fait connaître musiciens ou artistes visuels qui ont pris parole pour révéler l’âme humaine… ou fait connaître femmes ou hommes courageux, insoumis à des milices menées serrées par des gouvernements corrompus et déconnectés qui externalisent les richesses auxquelles ils auraient droit.
Je suis désolé de les avoir sacrifiés sous l’impulsion d’une pulsion de mort qui m’anime parfois quand je regarde le monde et constate ces tristes marques, ce dur constat que nous pouvons tracer au quotidien, qui me désoeuvre.
C’est malheureux que ce soit Facebook qui nous donne la chance de nous rencontrer parce que nous avons déserté les ailleurs, les tiers-lieux où nous aurions pu le faire. C’est malheureux que nous utilisions si peu souvent cette pulsion de vie qui nous anime.

Si vous lisez ce texte, c’est que je ne vous ai pas supprimés. Parmi ceux qui restent, des gens que j’aime, d’autres que je respecte, d’autres que je connais peu, qui m’ont dit sans qu’on échange plus de 140 caractères : « j’vais t’envoyer mon amitié ».

Bref, j’ai repris le fil de vos actualités en espérant y trouver quelque chose d’inspirant. Je vais recommencer mon monde facebookien avec vous. Survivants, je vous souhaite le bonjour. Arrêtez-vous parfois à penser que, même si vous ne profitez pas d’une grande tribune, à petite échelle vous créez quand même le monde dans lequel vous vivez. Mettons-y du nôtre. Faisons un meilleur Facebook, optimisons notre présence dans le monde. Merci. Paix à l’âme des disparus. Paix aussi à Leonard Cohen qui est mort ce soir. Lorsque nous avons décidé d’appeler notre fils Léonard (Léo pour les intimes), c’était en l’honneur d’un trio formé de lui, Leonard Da Vinci et Léo Ferré. Adieu Cher Leonard. The Future est un album dont on ne parle pas assez souvent selon moi. Des petits bijoux sur notre monde dans ce qu’il a de bien et dans ce qu’il a de mal.